Vie de l'agence - 30 juillet 2021
Où en est la communication papier en 2024?
Le papier a-t-il toujours sa place dans les stratégies marketing et communication ? Est-il encore pertinent de produire un rapport annuel en format papier ? D’envoyer des invitations par la poste ou de distribuer un catalogue de produits en magasin ? Nous vous proposons un point de situation sur la communication papier en 4 volets. Ces articles sont inspirés d’une conférence donnée en ligne par le média français Stratégies et l’imprimeur Exaprint en janvier 2021.
- Le papier, un ancrage culturel séculaire
- Le papier, un support de communication complémentaire
- Le papier, un outil d’information éco-responsable
- Le papier, une vitrine pour le digital
LE PAPIER, UN ANCRAGE CULTUREL SÉCULAIRE
Le digital est entré dans nos vies depuis près de 25 ans et malgré les interrogations qu’il a engagées dans le secteur de la communication, dans l’édition notamment, le papier fait résistance. Il bénéficie en effet d’un ancrage sociétal très fort tant il nous sert depuis des siècles à nous informer, à nous instruire, à nous divertir, à écrire… Notre attachement physique à l’objet papier et aux lieux où l’on peut le toucher, le regarder ou encore le sentir (librairies, bibliothèques) reste important.
Avec l’essor des smartphones et le développement d’internet, de nombreuses applications dédiées ont remplacé l’usage de supports papier. Après une période d’engouement pouvant aller jusqu’à l’addiction (nomophobie), une forme de saturation s’est fait ressentir et nombre d’utilisateurs /consommateurs aspirent à une forme de désintoxication digitale. Comble du paradoxe, une application propose de soutenir cette démarche. Ainsi, Paper Phone propose de se passer de son smartphone grâce à l’impression, sur une feuille de papier, des informations clés dont nous aurons besoin durant notre journée, avec en bonus des activités pour nous détendre loin des écrans. Une aide à la désintoxication numérique de la technologie qui fait de plus en plus d’adeptes.
Le digital renforce le positionnement du papier
Le modèle des magazines de marque et des catalogues publicitaires gratuits imprimés sur du papier a été mis à mal. Les annonceurs ont dû faire des choix et allouer leurs budgets à de nouveaux supports visuels avec, en plus, le souhait d’être vertueux sur le plan écologique. On relèvera à ce titre la dimension symbolique de la suppression du catalogue papier Ikea en décembre 2020, après celui de La Redoute, qui a bousculé tout le monde. Mais la croyance d’une désaffection du papier de la part de certains publics est-elle fondée ? Nombre de marques ayant clamé le « zéro papier » ont fait machine arrière, cette radicalité les privant d’une audience « résistante ».
Le papier a une audience comme le relève notamment l’étude de l’Observatoire Culture Papier : plus de 80% des Français sont attachés au papier et pas seulement dans une classe d’âge élevée. Le digital a rebattu les cartes, questionné la valeur ajoutée du papier, suscité l’inventivité et l’audace des médias. Le digital a posé de nouvelles exigences en termes de contenus, de tonalité, de narration avec l’émergence des revues comme We Demain, XXI. Les jeunes reviennent au papier par le biais d’influenceurs digitaux qui publient des livres dans lesquels ils racontent leur parcours, donnent des conseils en développement personnel (Lena Situation, Kristina Bazan) ou publient leurs recettes de cuisine végan (Marie Laforêt). En 2024, TikTok a même lancé sa propre maison d’édition (Booktok) #booktokeurs ou encore recommandent des livres à (Booktokers).
Dans notre société, nous avons un rapport fondamental au papier, même la jeune génération, les natifs numériques auxquels on a lu des histoires à partir de livres. Un attachement culturel profond au papier qui reste, pour l’instant du moins, encore le premier support de lecture et d’écriture des enfants.
En 2024 émerge BookTok et le hashtag #BookTok sur TikTok : des jeunes donnent leur avis sur leur dernière lecture via de courtes vidéos postées sur la plateforme. Ces contributions sont avant tout des recommandations de lectures relatives à un genre de littérature, à un thème ou encore à leur auteur préféré.

Quel avenir pour le papier face au digital qui continue d’évoluer ?
Le digital a fait réfléchir à la juste place du papier, à repenser les modèles. On attend du papier qu’il apporte une valeur ajoutée plus spécifique avec des messages plus réfléchis, plus posés, pour des mises en perspectives. Le papier va privilégier les objets plus beaux, plus narratifs. On repense la périodicité des magazines pour en éditer moins, laissant l’actualité continue aux vitrines digitales.
Dans l’ère de la dématérialisation des échanges, le papier a un nouveau rôle à jouer pour gagner la bataille de l’attention et permettre d’atteindre les objectifs des marques. Certes le digital touche plus de monde, offre plus de plateformes d’expression mais il s’avère plus complexe à gérer et surtout plus cher pour qui espère émerger de la masse d’informations proposées. On privilégiera donc aujourd’hui une forme d’équilibre entre les supports papier et numérique basé sur une analyse préalable des habitudes de consommation de ses cibles.
LE PAPIER, UN SUPPORT DE COMMUNICATION
Quelle est la portée de ma communication ? Quel est le média préféré de mon audience ? Quelle population utilise chacun de mes canaux ? Il est essentiel, pour chaque marque, de penser la distribution de ses messages en fonction des attentes de ses cibles aussi diverses soient-elles, pour identifier au mieux les canaux par lesquels les atteindre.
Dans le cadre d’une étude menée par le groupe de grande distribution Carrefour en Italie, des sensibilités différentes ont été relevées selon les régions et les classes d’âges (segments en fonction de critères géographiques et sociodémographiques). Lorsqu’on leur pose la question, les clients espagnols de Carrefour souhaitent pour leur part disposer de plusieurs canaux d’accès à l’information via divers terminaux (SMS, newsletters), réseaux sociaux mais aussi recevoir le catalogue papier dans la boîte aux lettres ou sur les points de vente. En effet, les expériences des clients avec le papier et le digital ne doivent pas être opposées ; elles forment une complémentarité désormais nécessaire. Le format papier va renvoyer vers un support numérique qui lui-même va renvoyer vers d’autres supports digitaux.
Les lecteurs du consumer mag de la MAIF tiennent au papier
Le magazine de la MAIF (MAIF Mag), première société à mission en France depuis juillet 2020, existe depuis 40 ans. En 2014, ce quadrimestriel au format A4 comptait 24 pages. Passé sur 12 pages au format tabloïd en 2016, le magazine de l’assureur français des enseignants est adressé sous forme papier à ses sociétaires 4x/an à 3,2 millions d’exemplaires, bénéficie d’un taux de lecture de 64 à 80% selon les sujets (baromètre annuels CSA) et ne compte qu’une centaine de demandes de désinscriptions par an. On y parle des tendances sociétales, de modèle d’engagement sociétal et de développement durable (100 à 120 informations par numéro) qui font partie des engagement sociétaux de l’entreprise. La publication s’est progressivement professionnalisée et évolue continuellement en termes graphiques (maquette, format) et d’empreinte environnementale. En 2020, l’assureur a ainsi lancé des tests d’impression avec des « encres blanches » éco-responsables pour s’adapter aux normes qui interdiront dès 2025 l’utilisation d’huiles minérales pour les impressions destinées au public.
La MAIF réalise chaque année une étude de lectorat très poussée pour mesurer le retour sur investissement (ROI) de son magazine qui confirme que malgré sa disponibilité au format digital, l’audience reste attachée à sa version papier en raison notamment de sa simplicité d’usage. Adressé par la poste, le magazine est feuilleté sur la table du salon et passe dans les mains de plusieurs membres du foyer, ce qui lui confère une audience extrêmement puissante. Avec ce taux de prise en main, le magazine papier est le support le plus important de la MAIF pour adresser des messages à ses sociétaires et à ses prospects.

Ajout d’un magazine digital enrichi pour une plus large audience
Le fluidbook (2 à 2,8 millions de lecteurs) est la version digitale enrichie du magazine de la MAIF qui a été développée récemment avec du motion design, des vidéos et du snack content. Selon la dernière étude de lectorat qui date d’octobre 2020, seuls 6% des lecteurs du magazine souhaitent le lire sous forme digitale, et particulièrement les jeunes de moins de 30 ans. La MAIF réservera le magazine imprimé au traitement de sujets de société destinés à être lus. Elle préfèrera une newsletter pour transmettre une actualité dite « chaude ». Il faut utiliser le bon média au bon moment en fonction des personnes que l’on souhaite toucher.
Les catalogues promotionnels imprimés restent nécessaires
Le marketing direct a été plus touché parce qu’il s’est moins adapté. Quelle est l’efficacité des catalogues des supermarchés (prix et promos) aujourd’hui ? Les études commandées par Carrefour l’attestent, ils continuent d’amener des clients dans les points de vente. Ainsi Carrefour donne accès à ses catalogues sous forme digitale mais continue de les envoyer par la Poste et de les distribuer dans ses magasins où ils font référence notamment pour sa clientèle en rupture numérique. Selon le directeur marketing de Carrefour, le papier reste essentiel dans le mix de communication du grand distributeur. Pourquoi ? Parce que les catalogues promotionnels imprimés génèrent du trafic dans les points de vente (50%) et qu’ils restent commercialement efficaces.
Quand le papier devient collector
Les beaux imprimés ne sont pas jetés ! Uniqlo par exemple l’a compris et publie 3x/an son magazine LifeWear à l’attention des millenials avec lesquels la marque cherche à tisser un lien. La publication traite de tendances vestimentaires, de modes de vies et des concepts qui sous-tendent la production éco-responsable des vêtements de la marque. Le magazine peut être également lu en intégralité sur le site d’Uniqlo et des textes ainsi que des photos sont périodiquement proposés en exclusivité sur le site. D’autres imprimés de la marque (affiches, cartes, stickers) deviennent également des objets collectors.
Les atouts du papier dans une stratégie multicanales
- Relation sensorielle au papier et bonne capacité de conservation
- Attention facilitée du lecteur, sur une plus longue durée
- Lecture plus lente mais plus profonde, ce qui favorise la mémorisation
- Important levier de fidélisation entre la marque et le consommateur
- Arrivage en « push » dans la boîte aux lettres
- Simple et accessible par tous, sans consommation d’énergie électrique, le papier concentre toute l’information
- Forte crédibilité (contenus écrits par une rédaction, fruit d’une expertise, d’une investigation, relus, faits vérifiés…).
- C’est le média de la sagesse !
Mais encore…
- Le fichier .PDF qui se « feuillète » sur l’écran (correspondance numérique du document imprimé), offre des repères structurels à la consultation et facilite l’accès à l’information par des hyperliens. Autant de codes de lecture et de repères relatifs aux livres qui restent importants pour une frange importante de la population.
LE PAPIER, UN OUTIL D’INFORMATION ÉCO-RESPONSABLE
Le papier est-il vraiment un média durable ? Les attaques sur l’empreinte écologique des publications papier sont-elles fondées ? Certes l’impression génère des déchets et des émissions de CO2, mais de nombreuses options s’offrent aux concepteurs pour limiter ou compenser l’empreinte environnementale d’un document dès le début de sa conception.
À titre d’exemple, La Poste française distribue 10 millions de journaux MAIF par an. Selon l’outil de La Poste française pour calculer les émissions de CO2 des envois (voir l’étude «Analyse de cycle de vie» réalisée pour La Poste en 2020), adresser le magazine sous forme papier aux 3 millions de sociétaires de la MAIF s’avère plus économe en termes d’impact environnemental que sa distribution sous forme digitale. En effet, si on en croit cette étude, un emailing intégrant une vidéo (10 Mo) poussée par un ciblage publicitaire sur les réseaux sociaux polluera plus que la distribution physique d’autant de catalogues de 36 pages imprimés en quadrichromie dans les boîtes aux lettres.

En 2016, dans le cadre de sa démarche RSE, la MAIF a passé son consumer mag au format tabloïd sur papier journal ce qui a été très bien perçu par les lecteurs, des sociétaires en grande partie « consommacteurs » et souvent engagés par ailleurs dans la vie associative. Bien qu’elle cherche aussi à limiter au maximum ses coûts d’impression, elle met ses engagements en faveur de l’environnement et du soutien à l’économie locale au premier plan. Ainsi, elle sollicitera en 2021 le dernier fabricant français de papier recyclé (Norske Skog à Epinal dans les Vosges) pour imprimer son magazine sur son papier fabriqué à partir de bois provenant de 140 km à la ronde. Un nouvel emballage sera également testé dans la foulée pour remplacer la solution déjà durable appliquée depuis 2014. En effet, les trois millions de magazines sont envoyés sous film biodégradable et compostable en amidon de maïs produit en Auvergne selon un circuit court avec un vrai poids économique au niveau de l’emploi, mais une faible empreinte environnementale.
Film de protection biodégradable
Parmi les solutions d’emballage « vertes » de remplacement aux plastiques issus du pétrole comme le polyéthylène, des chimistes ont aussi mis au point des films en bioplastique fabriqué à partir de la bagasse, soit le résidu de la canne à sucre obtenu après l’extraction du suc. C’est notamment l’option choisie par l’imprimerie Atar à Genève pour emballer le journal Entreprise romande et son magazine (Entreprise romande, 18.12.2020). Encore faut-il oser – ou pouvoir – jeter au compost cet emballage si semblable à du plastique!
LE PAPIER, UNE VITRINE POUR LE DIGITAL
Où en est le papier connecté et quels ponts peut-on ériger avec le digital? L’analyse des études d’évolution des comportements des consommateurs montre que même si les jeunes achètent moins de presse, ils continuent de la lire. Le digital a fait émerger les supports gratuits pour coller aux usages de consommation des millenials.
En 2014 déjà, l’agence Ici Barbès et Snap Press ont ajouté aux magazines AIR de McDonald’s des contenus en réalité augmentée et créé des communautés interactives sur SnapChat invitant les clients, sur la base du magazine papier, à participer à des interviews et à jouer à des jeux sur les réseaux sociaux. Une application téléchargeable grâce au wi-fi gratuit pour les clients des restaurants propose des contenus additionnels donnant ainsi au magazine deux niveaux de lecture: un premier niveau de lecture classique et un deuxième interactif qui pousse l’expérience plus loin (bandes-annonces, vidéos, extraits musicaux, photos 3D…). Cette complémentarité des canaux soutenue par l’évolution technologique ouvre une multitude de nouvelles opportunités de communication et de marketing (voir aussi les expériences d’Overlap Reality développées par Sky Boy).
Dans le même esprit mais plus accessible, le QR code revient en force. Ce supplément permet d’ouvrir le champ des possibles et d’accueillir différents types de lecteurs qui privilégieront le support print tout en appréciant de pouvoir aller plus loin. Le QR code retrouve ses lettres de noblesse en cette période de crise sanitaire tant il permet d’accéder à l’information depuis son smartphone sans contact avec le support physique (menu, site internet…). Une complémentarité intéressante pour promouvoir la circularité entre les médias (voir exemple de QR codes artistiques développés par Art QR Code).

Coup d’œil sur les tendances créatives de l’industrie graphique
- Les QR codes artistiques (Art QR Code) développés par l’agence lyonnaise Takeoff. Nestlé, Volvic, L’Occitane, McDonald ou encore Disney ont passé commande pour 2021, confie son directeur Éric Baesa.
- Les papiers ensemencés qui, une fois arrosés, font naître fleurs et autres plantes aromatiques.
- Les cartes « ornement » du Studio Roof qui passeront le message puis seront conservées sous forme d’objets de décoration.
- Les emballages recyclés et recyclables auxquels on affecte une deuxième vie comme par exemple les boîtes à chaussures de Faguo à transformer en nichoirs à oiseaux.